Hill Korwa

 

Membre de la tribu Hill Korwa à l'oeuvre, 1996, Madya Pradesh. Catalogue Korwa par Franck André Jamme, édité par la galerie du jour agnès b., Paris, 1997.

L’histoire de ces dessins est singulière. Dans le but d’étudier les diverses communautés tribales du Madhya Pradesh, parmi les plus nombreuses et les plus variées de l’Inde pour un État approximativement de même surface que la France, Swaminathan envoie des émissaires, (ethnologues, peintres et poètes) pour la première fois en 1983. (Il y aura plusieurs expéditions). Après plusieurs heures de routes et de pistes, ils arrivent chez les Hill Korwa, et commencent à prendre des notes et à faire des croquis. C’est alors que les villageois, à leur grande surprise, s’emparent de leurs feuilles de papier, de leurs stylos, crayons et markers et se mettent spontanément à dessiner.

 

Là où les membres d’autres tribus tracent le plus souvent des formes figuratives mi-humaines, mi-animales, les Korwa couchent sur le papier des rythmes calligraphiques, un alphabet inconnu, parfois surligné de traits ou accompagné d’arcs et de flèches. Les Korwa parlent un dialecte sans écriture. Il faut croire que la rencontre, lors de leurs déplacements dans les villes avoisinantes, avec la chose écrite a été des plus éblouissantes. Conféraient-ils à l’écriture un rôle magique ? La percevaient-ils comme capable de donner un pouvoir inconnu aux personnes qui la maîtrisent ? Voulaient-ils simplement participer à cet étrange rituel auquel semblait les convier ces visiteurs ? Les interprétations de ces apparentes écritures sont multiples. « Quand ils écrivent, je crois bien qu’ils prennent leur crayon pour un arc. Ils n’écrivent pas, en fait : ils tirent. Ils tirent des signes qui sont des flèches », rapporte Archana dans le catalogue de l’exposition Korwa à la Galerie du Jour. « Ou encore il s’agirait d’une sorte de transe. Au lieu de crier, de chanter, de gesticuler et de danser, comme tout bon chaman, nos Korwa, simplement, écriraient », note F. A. Jamme dans l’une de ses approches du mystère korwa (in cat. expo. Korwa, galerie du jour, Paris, 1997).

 

On reste impressionné par l’aisance de ces Korwa, hommes et femmes. L’élégance du geste, la science du plein et du vide dans leurs compositions, évoquent celles d’artistes aguerris. On pense à Michaux, à Cy Twombly... La première exposition korwa est organisée à Bhopal en 1985 par Swaminathan. Elle donne lieu à la publication d’un ouvrage intitulé Magical Script. Des dessins korwa sont montrés par Franck André Jamme à la galerie du jour, à Paris en 1997, et au Drawing Center à New York en 2001.

 

Korwa Ukhai, 1990s, encre sur papier 56x71 cm
Collection privée, Paris